It is fun, fun, and...Serious...

Silencieuse, je sortais de ma salle de classe et me dirigeais vers mon casier, des livres dans les bras. Il était midi, et j'en avais terminé avec mes cours pour la journée, j'avais mon après-midi totalement libre. J'ignorais encore comment j'allais l'utiliser, pour l'instant ça n'était pas vraiment le cadet de mes soucis. Je me retrouvais rapidement devant mon casier. Je fis le code et l'ouvris. J'y déposais mes livres, tout en regardant la porte de mon casier sur laquelle était accrochée un tas de photos, de mots, etc... Je souriais devant une photo de Cherilynn, Stefanie et moi, toutes les trois en maillot de bain, à la plage. A côté, une photo de Matthew et de moi, toute récente, dans laquelle j'étais dans ses bras, dans je ne sais plus quels circonstances. Je commençais à songer à ma relation avec lui, quand je vis une feuille volante dans mon casier. Je la pris, et me rappelais avec horreur que j'étais censée rendre cette rédaction en Italien à M. Fergusson hier ! J'avais déjà eu un jour supplémentaire car j'avais complètement oublié de la faire (j'étais sortie samedi soir, j'étais rentrée dimanche matin en bonne compagnie et j'avais dormis toute la journée). Et puis hier, hum, si je me rappelle bien, j'étais allée à mon casier, et je m'étais fais accosté par un footballeur à ce moment là. Nous étions sortis, et j'avais fini chez lui...

Je refermais mon casier violemment, énervée contre moi même, et me dirigeais vers la salle des professeurs pour rendre ce fichu devoir. Quelle idée avais-je eu de prendre une matière en plus, alors que je n'étais même pas capable d'assurer dans les matières les plus importantes... Je savais que M. Ferg' ne m'en voudrait pas, il était très gentil, et compréhensif envers les élèves, mais c'était pour moi même. J'étais mature, et responsable sur certains points, mais visiblement les études ne faisaient pas partis de ces points...

Je ne tardais pas à arriver à la salle des professeurs. Je remettais ma jupe en dentelle bien en place, ainsi que mon débardeur et mon gilet, et je toquais à la porte. Basculant d'avant en arrière sur mes talons, j'attendais que quelqu'un veuille bien m'ouvrir. Un vieux professeur apparut alors à la porte.

- Puis-je vous aider Mademoiselle ?
- Oui, j'aimerais voir M. Fergusson s'il vous plait.

L'homme acquiesça et partit, la porte se referma toute seule derrière lui. Quelques secondes plus tard, mon professeur préféré sortit de la salle des professeurs. Je lui souris, et il fit de même. Je l'aimais beaucoup, pour plusieurs choses. Tout d'abord c'était un professeur excellent, patient et gentil avec ses élèves, et ensuite, car c'était un ami. Ici, les relations entre élèves et professeurs étaient différentes, plus complices, car les années d'écarts entre les deux classes étaient moins grandes. M. Fergusson n'était pas que professeur d'Italien, il dirigeait aussi le Glee Club, dont je faisais parti. Depuis petite la danse était ma passion, et avec l'âge j'avais également appris à utiliser ma voix. Je n'étais probablement pas la plus belle voix de la chorale, mais je me défendais plutôt bien. Les cours du Glee Club étaient des moments particuliers, c'était tout sauf sérieux, on s'amusait toujours. Combien de fois m'étais-je retrouvée la seule à rire à une des blagues de M. Ferg' ? Je ne les comptais même plus !

- Bonjour ! Je suis désolée pour le retard, mais je viens vous rendre ceci.

Je lui tandis la copie, qu'il prit aussitôt.

- J'étais... Préoccupée on peut dire...

Et quelle préoccupation...
Je souriais alors, attendant la réaction de M. Fergusson.

It is fun, fun, and...Serious...

- Il était temps, Mademoiselle Belgrano ! Essaye de me le rendre à temps la prochaine fois, d'accord ? Que les autres ne croient pas que je fais du favoritisme …

J'acquiesçais en souriant, puis il me fit un clin d'oeil. J'avais de la chance d'avoir oublié de rendre ma copie en cours d'Italien, car si cela était arrivé dans un autre cours, je n'aurais probablement pas eu de délai supplémentaire, et aujourd'hui, le professeur n'aurait certainement pas pris ma copie. Tous les professeurs avaient une manière différente de travailler et de prendre les choses. En général, les professeurs les plus âgés étaient les plus sévères. Alors autant dire qu'avec eux, j'étais plutôt sérieuse, tandis qu'avec les professeurs comme M. Fergusson, je me lâchais plus.

- Il faut que j'aille me défouler. Je vais faire un tour à la salle du Glee Club, tu m'accompagnes ?
- Avec plaisir !

Je le suivis alors dans les couloirs et les escaliers. Aujourd'hui, je n'avais ni entrainement de Cheerleaders, ni répétition du Glee Club. Autant dire que ce soir, j'allais avoir de l'énergie à dépenser, et je détestais cela. Ne rien faire, durant une journée, ça m'énervait. Parfois, dans ces jours-ci, j'allais courir en rentrant de l'Université, mais ça n'était pas vraiment ma passion, et je préférais largement me dépenser en dansant. M. Fergusson sauta les deux dernières marches de l'escalier, comme l'aurait fait un enfant. Je ne me risquais pas à cela, de peur de tomber ou de casser un de mes talons. J'expliquais alors au professeur que j'étais préoccupée ces derniers temps... Je repensais immédiatement à Matthew. Cela faisait longtemps que nous nous connaissions, et je n'avais jamais rien ressenti à son égard à part une forte amitié et une profonde attirance. Mais depuis quelques semaines, le voir avec d'autres filles m'énervait. Je ne le montrais pas, parce que moi même j'ignorais pourquoi je ressentais cela. J'essayais de passer au-dessus, mais ça devenait de pire en pire. Et pour oublier, je couchais donc avec beaucoup d'hommes. Ca marchait, durant une soirée, mais la réalité me rattrapait un peu trop rapidement à mon goût lorsque, le matin, je voyais Matt' entrain de parler à une fille dans les couloirs.

- Tu veux qu'on en discute ? Si c'est encore tes histoires de coucherie, tu sais ce que j'en pense…

Nous arrivions à la salle du Glee Club. Il m'ouvrit la porte et me laissa passer devant lui. Je marchais, repensant à ce qu'il m'avait dit. Il y a longtemps, je lui avais parlé de ma situation, ou plutôt lui m'en avait parlé. Nous avions discuté, et je savais très bien qu'il n'approuvait pas. Personne n'approuvait à vrai dire, du moins pas les adultes. Mais j'avais grandis dans cette ambiance et, adolescente, tout cela m'avait semblé normal. J'avais pris exemple sur ma mère, alors, qu'au contraire, ma petite soeur, Felicia, avait été dégoûté par cela, et désormais elle faisait parti du club de chasteté. Je me souvenais, un sourire aux lèvres, le jour où je l'avais accompagné à ce club. Une expérience mémorable de mon côté. Voir toute ces filles choquées à cause de moi...

Je m'asseyais sur une chaise, souriant en repensant à ce jour. Je regardais alors M. Ferg' et me décidais à lui répondre.

- C'est plus compliqué que cela... Mais oui en parti. Je sais que vous n'approuvez pas, mais depuis quelques semaines, j'ai une nouvelle motivation pour coucher. Je n'en ai parlé à personne car tout le monde me prend pour la pute de service, sans sentiments et tout. Et puis d'ailleurs je ne sais pas vraiment ce qu'il m'arrive. Mais quand je le vois, en compagnie d'autres filles, ça m'énerve. J'ai envie d'aller les voir et de les prendre par les cheveux pour les envoyer contre un casier. Enfin vous voyez, comme avec Ashley !

Ashley, longue histoire. Une garce, une véritable garce, qui c'était permis de me critiquer dans mon dos. Je n'avais pas fais attention à cela, car les langues de vipères, il y en avait pleins dans l'Université, et si je devais me préoccuper de toutes, je n'en aurais jamais fini. Mais quand elle était venue me voir, en m'accusant d'avoir coucher avec son petit ami, et me traitant de tous les noms, ça avait dérapé. Nous nous étions battues, enfin, elle, elle n'avait pas fait grand chose dans l'histoire, petite fille à papa, elle n'avait probablement pas l'habitude de se battre. Pour en revenir à cela, M. Fergusson était venu nous séparer.

Je croisais les jambes et les décroisais, un signe d'impatience chez moi. Je mourrais d'envie de me lever pour danser et chanter !

It is fun, fun, and...Serious...

J'observe mes mains, mes ongles, tout en étant plongée dans mes pensées. Je ne sais pas quoi penser de ma relation avec Matthew. Jusque alors, je n'avais jamais rien ressenti de tel pour quelqu'un, ni pour lui d'ailleurs. Il était un simple ami à mes yeux, un ami avec qui je couchais, mais qui restais un ami. Je n'étais pas jalouse en le voyant avec d'autres filles, et je n'avais pas à coucher avec d'autres garçons pour ne pas penser à lui. Je le voyais en cours, le soir, et cela me suffisait. Mais ça, c'était avant... Désormais, tout avait changé, et j'ignorais pourquoi. Comment pouvais-je parler à quelqu'un de mes sentiments alors que je ne savais même pas moi même ce que je ressentais ? Je ne savais pas mettre des mots sur ce que je ressentais. En parler avec M. Fergusson était déjà difficile, je n'arrivais pas à trouver mes mots, alors en parler avec le principal intéressé, Matthew, c'était presque inconcevable. Où étais donc passée la Kiara sûre d'elle et courageuse ? J'avais l'impression qu'elle m'avait abandonné, me laissant seule et incertaine. Je détestais ce sentiment d'impuissance et de doute.

- Serais-tu tomber amoureuse, Kiara ? Je ne me moque pas, loin de là, je sais ce que c'est, ne me fracasse pas la tête contre un casier, pitié !

Je rigole, tout en ajoutant, entre deux phrases de mon professeur d'Italien.

- C'est tentant !

Il rigole à son tour, avant de poursuivre son dialogue.

- Tu aimerais que cette personne n'ai d'yeux que pour toi, qu'il ne fasse attention qu'à ta personne sans se préoccuper de toutes les autres qui lui tournent autour … Tu es allée lui parler de ces pulsations meurtrières ?

J'acquiesçais silencieusement. Tout cela m'effrayais. Moi, tomber amoureuse ? Moi, Kiara Desiree Belgrano ? J'avais besoin de répéter mon nom dans ma tête pour prendre conscience qu'on était bien entrain de parler de moi là, et pas de quelqu'un d'autre. Je n'étais jamais tombée amoureuse, et je ne savais pas ce que cela faisait. J'étais en pleine réflexion sur ma situation actuelle, même si je doutais énormément du fait que j'allais trouver une réponse aujourd'hui. C'était bien trop compliqué. Et parler de ma jalousie à Matthew était totalement inenvisageable. Il allait se moquer, rire, et me demander si je blaguais. Je serais obligée de lui dire oui pour sauver mon honneur, mais, intérieurement, je serais totalement détruite. On s'était mis d'accord, il n'y aurait jamais rien de plus qu'une amitié entre nous. Jamais. C'était même moi qui lui avais dis. Mais entre temps, mes sentiments semblaient avoir changés...

- Qui est l'heureux élu ?

Je soupire tandis que lui, de son côté, me sourit. Je le regarde enlever sa veste de costume, remonter ses manches et déserrer sa cravate. Je sens qu'il va me proposer de chanter, proposition que je m'empresserais d'accepter. Chanter libère les idées, surtout quand l'on chante sur une chanson qui exprime ce que l'on ressent.

- Une chanson avec Monsieur Fergusson te tenterait-elle ?

Je souris. Bien sûr que ça me tentais. M. Ferg' était un chanteur et danseur hors-pair, et je l'enviais énormément. Mais là, je n'avais aucune idée de chanson en tête, hélas...

- Bien sûr que ça me tente, mais je n'ai pas d'idées de chanson...

Je me tue un instant, et observais mes mains. Je regardais alors à nouveau mon professeur et lui dis.

- C'est Matthew, Matthew Brookes... Et je pense que vous le connaissez comme vous me connaissez, et une relation entre nous deux serait impossible... Il me rirait au visage si j'allais lui parler de ma jalousie. On s'était mis d'accord pour qu'il n'y ai rien à part une amitié et du sexe entre nous, mais je crois que ça a changé de mon côté...

Je secouais la tête, avant de me lever et d'enlever mon gilet, imitant les gestes de M. Fergusson quelques secondes plus tôt. Je posais mon gilet sur le piano de la salle, avant de revenir en face de mon professeur. Je regardais les chaises vides, et soupirais.