Il est impossible de le nier; Leslie est dotée d’une certaine intelligence qui lui a permis de se rendre où elle est aujourd’hui. Sans cette intelligence, elle n’aurait jamais pu obtenir une bourse d’études complète, ou être major de promotion au secondaire. Même si elle devait étudier pour avoir de bons résultats, elle était quand même capable de s’en sortir en étudiant moins de temps que d’autres personnes, parce qu’il fallait qu’elle s’occupe de sa sœur. Le fait qu’elle s’habitude à d’excellents résultats l’a conduite à vouloir toujours obtenir ces bons résultats, ce qui l’a rendue perfectionniste au bout du compte. En fait, si Leslie prend autant de temps à faire ses travaux, ce n’est pas parce qu’elle en a besoin, mais plutôt parce qu’elle sait toujours qu’elle peut en faire plus, et quand elle sait qu’elle peut y arriver, elle vise la perfection, et un résultat plus bas que ses attentes la fâche énormément.

L’intelligence de Leslie a également fait en sorte qu’elle est devenue très débrouillarde. Alors qu’elle entrait tout juste dans l’adolescence, elle a commencé à s’occuper de sa petite sœur malade. Elle s’est renseignée sur comment s’en occuper, et a toujours fait de son mieux. Il n’est donc pas surprenant de voir que Leslie vit aujourd’hui toute seule et qu’elle n’a aucun problème à tout gérer elle-même. Leslie n’aime pas qu’on la prenne en pitié et qu’on veuille toujours l’aider, c’est probablement ce qu’elle déteste le plus, parce qu’elle est indépendante, a toujours réussi à tout faire seule et elle ne veut pas que ça change. Il faut dire que Leslie n’est pas du genre à prendre les choses à la légère, puisqu’elle est très sérieuse. Ça peut être à la fois une qualité comme un défaut. Si elle aime rire de certaines blagues, elle le fait seulement quand le moment est approprié, puisqu’une blague au mauvais moment a comme simple effet de la rendre encore plus fâchée ou triste, tout dépendant des circonstances, et peu importe la situation, Leslie ne se risque jamais à faire des blagues, parce que par expérience, elle sait que celles-ci ne sont jamais drôles.

Même si elle est sérieuse et a de bons résultats à l’école, il n’en reste pas moins que Leslie est une fille très sympathique et sociable. Leslie est du genre à faire comme lorsqu’elle était enfant; se faire des amis sans histoire de réputation ou de passé quelconque. Si quelqu’un veut bien s’entendre avec elle, Leslie va l’accepter sans problème. Par contre, si jamais une personne l’embête, elle n’hésitera pas à lui en vouloir, parce qu’aussi adorable que Leslie peut l’être, elle est également rancunière. Elle n’a jamais pardonné à ses parents bien des choses, comme de ne pas s’être occupé de sa sœur, de l’avoir blessée au cours de son enfance. Voilà maintenant deux ans qu’elle ne vit plus avec eux, et depuis ce temps, elle n’a jamais appelé sa mère ou son père. Déjà qu’elle n’était pas proche d’eux, elle ne leur parle plus du tout. Pour elle, ses parents n’existent plus, et même s’ils mouraient demain matin, Leslie ne serait pas certaine d’être triste pour eux.

Le fait que Leslie soit adorable avec tout le monde entraîne le fait qu’elle aime aider les autres et les mettre à l’aise. Par contre, cela vient aussi avec une pointe de naïveté, qui fait que la jeune femme peut mettre du temps à se rendre compte que quelqu’un abuse de sa bonté. Encore une fois, quand elle le constate, elle peut en vouloir longtemps à la personne qui lui a fait ça, si elle s’en rend compte par elle-même, parce que parfois, ce sont les personnes qui la côtoient qui s’en rendent compte avant.

Si on dit souvent de Leslie qu’elle est adorable, c’est souvent parce qu’elle a également le physique pour faire ressortir cette image. Premièrement, Leslie est loin d’être le genre de fille à faire peur à première vue. Pas très grande, Leslie a un poids proportionnel à sa taille, et n’a jamais eu de problèmes de poids, parce que ça n’a jamais été quelque chose qui l’a vraiment préoccupé au cours de sa vie, puisqu’il y avait pour elle des choses beaucoup plus importantes que la question du poids ou même de son apparence en général. En fait, ce qui a permis à Leslie de garder cette ligne, c’est le fait que durant toute sa vie, il a fallu qu’elle reste en forme. Quand elle était plus tranquille, elle allait parfois faire de la natation, un sport qu’elle aime beaucoup aujourd’hui, mais elle n’a jamais eu besoin d’en faire davantage. Supportant sa sœur dans le fait qu’elle devait manger correctement, elle l’a toujours fait également, sans vraiment s’en rendre compte.

En fait, si Leslie a les cheveux longs aujourd’hui, c’est parce que sa petite sœur et elles se ressemblaient beaucoup. Par contre, plus jeune, Leslie avait les cheveux tournant un peu plus bruns, tandis que sa sœur avait les cheveux plus clairs. Quand Andréa est morte, Leslie est passée à travers une sorte de dépression dans laquelle elle a eu l’idée d’avoir la même coiffure que sa sœur, et elle n’a jamais changé depuis. Depuis maintenant un peu plus de deux ans, Leslie a donc les cheveux blonds longs jusqu’aux épaules. Par contre, s’il y a une chose qu’elle ne poussa jamais changer, c’est que ses cheveux sont naturellement bouclés, tandis que ceux de sa sœur étaient droits et fins. Elle considère qu’elle n’a pas le temps de se coiffer, donc elle laisse ses cheveux bouclés, même si elle trouverait que ce serait beaucoup plus simple de les avoir droits.

Les personnes faisant plus attention à leur apparence et à celles des autres reprochent à Leslie d’avoir les cheveux trop claire pour la couleur de ses yeux, et que ceux-ci ressortiraient plus si elle avait les cheveux plus clairs, comme durant son enfance et une partie de son adolescence, mais Leslie s’en fiche. En fait, si elle pouvait changer la couleur de ses yeux, elle le ferait, puisque celle-ci est la seule chose dans son apparence qui lui rappelle son père, celui qui a brisé complètement le lien qu’elle avait ses parents en réalité. Malgré tout, il est vrai que si Leslie avait les cheveux plus foncés, ses yeux verts ressortiraient davantage qu’en ce moment. Il faut dire aussi que Leslie a le teint pâle, les lèvres foncées, et un visage de poupée très expressif, donc qui ne met pas complètement l’emphase sur ses yeux, et ça lui convient ainsi. Niveau style vestimentaire, Leslie a un don pour faire quelque chose de beau à partir de rien du tout. Pour économiser, Leslie aime beaucoup choisir ses vêtements dans les friperies et vêtements où tout est en solde. Certains trouvent que c’est nul, mais quand Leslie réussit à agencer le tout, elle réussit à avoir un style simple, mais élégant, et à un prix ridicule comparativement à ce que certains peuvent payer pour quelque chose de semblable.

« Si certains pensaient que ma vie était normale, que je vivais toujours chez ma parents qui m’aimaient, que j’avais une famille unie, se mettent le doigt dans l’œil, comme on aime le dire chez moi. Chez moi, quand j’étais enfant, c’était Fort Lauderdale, non loin de Miami. Dans une maison en banlieue, c’est là que mes parents ont décidé de s’installer après leur voyage de noces. Ma mère est tombée enceinte quelques semaines avant leur mariage, donc ce fut quelques mois après leur retour de voyage que je vis le jour au printemps 1987.

Durant quatre ans, mes parents semblaient heureux. C’est normal, ils venaient de se marier, alors que ça faisait quatre ans et demi qu’ils avaient commencé à sortir ensemble. En effet, mon père n’avait mis que six mois avant de demander ma mère en mariage, pensant que c’était elle, la femme de sa vie. On dit que les enfants peuvent être source de conflit, mais à ce qu’il paraît, j’étais tellement sage que mes parents n’avaient rien à dire, ne se chicanaient jamais à mon sujet. Ce fut ainsi pendant quatre ans, jusqu’au moment où ma mère apprit qu’elle était de nouveau enceinte. Encore une fois, mes parents étaient fous de joie. Dans leur tête, le second enfant serait aussi calme que moi, aussi facile à prévoir et à s’occuper. Leur beau rêve de parents parfaits fut brisé, tout comme leur couple, au moment où ils se rendirent compte que ma petite sœur n’était pas une petite princesse comme je l’ai été. Elle pleurait beaucoup, et mes parents ne savaient jamais vraiment pourquoi, si bien qu’ils n’eurent pas d’autre choix que de demander de l’aide à un médecin, qui leur apprirent que Andréa, ma petite sœur, était atteinte d’une maladie infantile, et qu’elle ne dépasserait jamais son vingtième anniversaire de naissance. Cette nouvelle vint écraser le couple que formaient mes parents. Ils étaient déboussolés. Ils eurent besoin d’aide de certaines personnes pour s’occuper de ma petite sœur, qui ne progressait pas aussi rapidement que les autres enfants, loin de là.

Finalement, c’est moi qui suis devenue la « nounou » d’Andréa quand j’eus environ treize ans. La raison est que mes parents ont eu leur première dispute majeure. La vaisselle a volé dans la maison, moi-même j’ai été atteinte par un éclat et j’ai été blessée au bras. Des points de suture et une cicatrice ont arrangé la situation, du moins physiquement. Mentalement, cet éclat représentait le moment où mes parents n’étaient plus mes modèles. Ils étaient plutôt les modèles à ne pas suivre. Comment pouvait-on ne pas aimer ses parents ? C’est une question qui n’est même plus tabou pour moi. Ce n’est pas difficile d’y répondre. Premièrement, il suffisait de leur en vouloir d’avoir brisé leur famille de rêve, croire que les contes de fées existaient, et complètement oublier leurs enfants. Je ne les appelais même plus « papa » ou « maman », je les appelais par leur prénom, quand je leur adressais la parole. De toute façon, ils n’avaient presque plus le temps de me parler, à ma sœur et à moi, puisqu’ils étaient trop occupés à se disputer.

La chambre que nous partagions ma sœur et moi était devenu notre petit refuge. Nous avions nos chambres séparées auparavant, mais c’est moi qui ai décidé de demander à un ami de mon père qui travaillait dans la construction d’abattre le mur qui séparait ma chambre à celle de ma sœur, nous faisant une chambre ayant l’équivalent de la moitié du deuxième étage de la grande maison. Ma petite sœur, qui arrivait à peine à se déplacer, y passait toutes ses journées. Moi, j’y apportais le nécessaire. De la nourriture, des objets pouvant la divertir. C’est probablement la seule chose pour laquelle je pourrais « remercier » mes parents un jour, soit de m’avoir permis de m’occuper de ma sœur, parce que sans cela, je ne serais jamais devenue aussi débrouillarde, et je n’aurais jamais été aussi proche d’Andréa. J’étais consciente qu’elle ne pourrait jamais vivre plus vieux que vingt ans, mais je voulais que ses vingt années, ou moins, ne soient pas un enfer, comme moi je devais en vivre un. Notre grande chambre, c’était son petit paradis, et j’étais presque jalouse, puisque parfois, elle n’avait aucune idée de ce qui pouvait se passer en sortant de là.

Ma vie d’adolescente extérieure se résumait à ma chambre, et à l’école. J’avais quelques amies, mais je leur expliquais clairement que je ne pouvais pas sortir avec eux, et bien souvent, j’en ai perdu pour cette raison. Mes vrais amis comprenaient ma situation, et quand ils voulaient passer du temps en ma compagnie, ils prenaient la peine de venir chez moi, dans cette grande chambre, où ma sœur était toujours. Mes amis devenaient les amis de ma sœur peu à peu, ils apprenaient à s’attacher et à l’aimer comme moi je le faisais. À l’école, je travaillais comme je le pouvais. Autre chose pour laquelle je pouvais remercier mes parents; mon intelligence. J’arrivais quand même à avoir d’excellentes notes. Andréa me laissait toujours étudier quand j’avais le temps, et quand elle le pouvait, elle m’aidait même. On aurait juré que ça lui faisait plaisir de me voir réussir autant. Mes parents, eux, n’en avait strictement rien à faire. Voici comment la majorité de ma vie se passa, jusqu’au point tournant que fut l’année de mes dix-huit ans.

Dix-hui ans, l’année où tout bascula, tout changea, où je devins une nouvelle personne. Au mois de juin, je reçus mon diplôme. J’eus même l’honneur de prononcer un discours en raison de mes bons résultats. Mais comme je venais d’une école assez simple en banlieue, ce n’était pas assez « reconnu » pour que j’obtienne une bourse d’études pour l’université. De plus, mes parents n’y étaient même pas présents. Je n’étais pas insultée de cela, je ne les avais même pas invités. Par contre, quand la cérémonie de remise des diplômes fut terminée, il fallut que je discute avec mes professeurs plutôt que de passer du temps avec ma famille, comme tout le monde le faisait. N’ayant pas mon permis de conduire, je n’avais pas pu emmener ma petite sœur, comme j’aurais voulu qu’elle sorte, ne serait-ce que pour voir cela, voir le monde une fois dans sa vie. Je le regrette toujours aujourd’hui.

Au mois de juillet, mes parents me prennent à part pour une des premières fois de ma vie, afin de m’annoncer qu’ils allaient divorcer. Je ne répondis rien, mais je pensais intérieurement qu’il était enfin temps, que la seule chose qui les tenait en couple – si on pouvait appeler cela ainsi –, c’était l’orgueil social. Maintenant, ils n’étaient plus capables de se supporter. Ils me demandèrent chez qui je comptais vivre, sachant que ma mère gardait la maison à Fort Lauderdale et que mon père voulait emménager à Orlando. Ma décision serait également celle d’Andréa, puisque j’étais la seule qui était capable de m’occuper d’elle. Ma réponse fut évidente : Je n’allais vivre avec aucun des deux, Andréa non plus. J’avais décidé d’accepter d’entrer dans une université de Miami en marketing et j’allais vivre sur le campus. J’emmenais Andréa avec moi. Je me trouverais un emploi, les résidences n’étaient pas chères, et c’est moi qui percevrais l’aide sociale offerte pour Andréa. Ils n’avaient pas un mot à dire sur ma décision, et j’avais déjà entrepris les démarches pour qu’Andréa et moi obtiennent notre émancipation officielle.

Août arriva. C’était le moment pour moi de me rendre à l’université. Au début du mois, j’avais prévu de m’installer dans ma résidence universitaire. J’avais décidé d’en prendre une plus grande, un loft tout grand ouvert, où je pourrais avoir l’œil sur ma sœur constamment, même si elle était plus débrouillarde, légèrement, que lorsqu’elle était une enfant. Alors que je revenais de faire un voyage de valises et que je revenais chez moi pour en faire une autre, je vis l’ambulance devant moi emporter Andréa; c’était fini, elle venait de cesser de respirer, comme les médecins l’avaient prédit. Je le savais qu’un jour, cela allait arriver, mais j’eus beaucoup de mal à le prendre. Elle n’avait que quatorze ans, il aurait fallu qu’elle vive encore sept ans. Elle était partie trop rapidement.

Pour noyer mon chagrin, durant deux ans, je croulai sous les études, et sans le vouloir, sous cette peine énorme, je réussis à avoir des résultats exceptionnels, me plaçant sur un piédestal comparativement aux autres étudiants de l’école, qui étaient pourtant nombreux.. Ils ne savaient pas non plus que depuis mon dix-huitième anniversaire, je travaillais au café étudiant du campus. C’était la seule chose qui me permettait de sortir de mon sombre quotidien, me permettre de sourire un peu. Mes amis tentaient bien de le faire, mais personne n’y arrivait. Cette sorte de dépression dura durant deux ans. En fait, jusqu’au moment où j’obtins une bourse pour compléter le reste de mes études, parce que sinon, je n’y serais jamais arrivée.

Malgré cette bourse d’études, je devais continuer à travailler pour pouvoir payer mon appartement et les quelques dépenses que ma bourse et l’assistance – puisque j’en recevais toujours en guise de « remerciement » pour m’être occupée de ma sœur durant tout ce temps – ne pouvaient pas payer. C’est au cours d’une soirée de travail qu’un autre point tournant de ma vie se présenta. Je venais tout juste de sortir de l’université et j’avais trouvé un emploi d’assistante-gérante au Starbuck’s, Tard le soir, deux jeunes hommes arrivèrent, plutôt saouels, ils commencèrent à me harceler, tentaient de me toucher à chaque fois que je passais près. Je tentais de me fâcher contre eux, il n’y avait rien à faire. Puis, comme un chevalier sur son cheval blanc, sans l’armure et le cheval, un jeune homme arriva et vint m’aider avec ces deux garçons qui auraient certainement une foutue gueule de bois le lendemain matin. Le coup de foudre fut instantané. J’appris par la suite que ce chevalier qui m’avait sauvée s’appelait Alexis, et qu’il était policier. Voilà maintenant onze mois de cela, et à tous les jours, je me rends compte qu’Alexis est fort probablement l’homme de ma vie. Je l’aurais rencontré il y a quelques années, je n’aurais peut-être jamais rien voulu savoir de lui, mais maintenant, il est pour moi l’homme idéal. Nous avons tous les deux des problèmes avec nos parents, les miens, je ne leur parle plus depuis maintenant cinq ans, malgré leurs tentatives de me rejoindre, mais nous allons les surmonter ensemble, parce que nous nous aimons, et c’est tout ce qui comptait. »